Introduction à la notion de racisme

D’où vient le racisme ?

D’un racisme scientifique…

Dès la fin du 18ème siècle, le monde occidental voit se diffuser ce que l’on pourrait appeler un « racisme scientifique ». Celui-ci consiste en une entreprise de classification scientifique qui établit l’existence de « races », c’est-à-dire de groupes humains dont les caractéristiques biologiques et physiques sont associées à des capacités psychologiques, morales et intellectuelles moindres, donc inférieures. La rationalité scientifique vient ainsi établir, consolider et légitimer l’esclavagisme, le colonialisme, puis le nazisme. Ce n’est que tardivement, dans les années 1950, que l’UNESCO engage un programme d’action contre le racisme et que les avancées de la génétique conduisent au discrédit des fondements biologiques de la race. Ceci étant dit, si cette croyance en la « race » s’est largement estompée au cours du 20ème siècle, on ne peut que faire le constat de la ténacité du racisme dans nos sociétés actuelles. On parle à présent de « racisme culturel ».

…à un racisme culturel ?

En France, à partir des années 1980, on évoque le passage de l’infériorité biologique à la différence culturelle dans la légitimation du racisme. Cette différence s’établit à la fois sur des traits phénotypiques (couleur de peau, texture des cheveux etc) et sur les cultures, religions, traditions et mœurs des populations issues de pays anciennement colonisés. Les catégories « indigène » puis « immigré » se substituent ainsi progressivement au terme de race : dorénavant, certains groupes d’individus se trouvent réduits à leurs cultures ou leur « ethnicité ». Cette différenciation permet en réalité d’asseoir une hiérarchie entre les occidentaux·ales « blanc·h·e·s » de culture chrétienne et les « non- blanc·h·e·s ». Ceci étant dit, l’idée d’un « nouveau racisme » demande à être relativisée puisque tout comme le racisme biologique, ce racisme culturel naturalise des caractéristiques liées à la culture et y associe des valeurs morales, psychologiques, sociales, afin de catégoriser et d’homogénéiser des groupes sociaux, qui apparaissent dès lors comme une menace pour l’identité du groupe dominant.

Appréhender le racisme au regard de l’Histoire

D’hier à aujourd’hui, quelle que soit la forme que prend le racisme, celui-ci s’ancre inéluctablement dans un contexte socio-historique spécifique. En effet, l’histoire de la colonisation par les pays européens, et celle de l’esclavage transatlantique sont indissociables de l’histoire du racisme. En France, le traitement des populations issues de l’immigration est révélateur d’un continuum colonial : le Code noir et le Code de l’indigénat sont à l’origine de mécanismes idéologiques, institutionnels et juridiques qui ont contribué — et continuent toujours — à altérer l’existence des Noir·e·s puis des « indigènes », tout comme celle de leurs descendant·e·s réel·les ou supposé·e·s.

Comment définir le racisme ?

« Ce qui fonde le pouvoir des Uns est, en premier lieu, la capacité de nommer les Autres (Delphy , 2008) »

Le racisme repose sur l’assignation d’un groupe à une position dominée, minoritaire, sur la base de caractéristiques raciales (physique, culture, religion, origines). Le groupe majoritaire est celui qui fonde la norme à partir de laquelle s’établit la hiérarchie des Autres et qui en tire profit. Historiquement, ce sont les personnes blanches qui constituent ce groupe dominant.

Où et comment se manifeste le racisme ?

Pour en comprendre les mécanismes et le combattre efficacement, il est nécessaire de se départir d’une vision morale du racisme selon laquelle il serait le fait de comportements individuels déviants et immoraux dûs à un manque d’éducation, à de l’ignorance. En effet, le racisme n’est pas seulement une opinion ou une idéologie issues de l’extrême droite, il s’agit d’un système présent dans tous les espaces de la société française (police, justice, travail, médias, culture, sport, universités, santé, éducation).

Le racisme se (re)produit à plusieurs niveaux :

1) Au niveau interactionnel, dans les échanges du quotidien :

  • Via des propos, comportements explicites
  • Via l’humour
  • Dans les jeux de relation : c’est l’une des formes les plus violentes et insidieuses du racisme car l’intention raciste est plus difficile à identifier. Cela va se traduire par des mécanismes de mise à l’écart, des allusions, des non-dits, du mépris. Des formes flottantes du racisme.
  • Via les préjugés (représentations qui valorisent le groupe dominant au détriment des minorités. On amplifie des différences qui peuvent justifier ou nourrir des comportements discriminatoires)

2) Au niveau systémique, dans le fonctionnement même des institutions

  • La notion de racisme institutionnel met en lumière le rôle de l’Etat et de ses institutions dans la production des inégalités et des hiérarchies ethno-raciales : à l’intérieur de ces institutions, dans quelle mesure les procédures, ou les normes, ou les objectifs sont producteurs d’inégalités à fondement racial ?

Exemple : Le cas des logements HLM en France. La chercheuse Valérie Sala Pala s’est intéressée au critère de la « bonne gestion financière » comme critère d’attribution des logements sociaux. Il s’est ainsi avéré que pour faire la différence entre un·e bon·ne et un·e mauvais·e candidat·e, les responsables d’attribution disposent d’une large marge de manoeuvre, et qu’ils s’appuient entre autres sur des représentations racistes vis-à-vis de certains groupes sociaux. Ici, le racisme n’est pas produit par des personnes particulièrement mal intentionnées mais par des mécanismes institutionnels : le fait d’ériger la bonne gestion financière comme critère principal d’attribution, la nécessité de distinguer les bon·nes et mauvais·e·s candidat·e·s, le flou entourant les critères et le processus d’attribution…

  • La notion de racisme systémique permet de combiner le niveau interactionnel et systémique : plusieurs séries de mécanismes concourent à produire et entretenir un ordre inégalitaire.

Exemple : le cas du contrôle au faciès en France. Par l’absence d’encadrement et de formations stricts conformes au principe de non-discrimination, la police dispose de pouvoirs très étendus qui permettent d’effectuer des contrôles discriminatoires basés sur du profilage racial. A cela s’ajoutent parfois des directives qui favorisent le risque discriminatoire : par exemple demander à ce que soient contrôlées les personnes qui paraissent les plus susceptibles de ne pas être en règle administrativement. De plus, le racisme peut s’observer dans les attitudes ou les comportements des policier·e·s, dans leur interaction avec la population. Tout cela contribue à une pratique généralisée et systémique du contrôle au faciès.

  • La notion de discrimination raciale : si le racisme est disqualifié politiquement et interdit par la loi, de fait les populations dites minoritaires se voient assignées à des positions subalternes dans la vie économique et politique. Cela s’explique par l’existence de discriminations systémiques, qui s’exercent dans tous les domaines de la vie et limitent l’accès aux ressources symboliques (représentations médiatiques) et matérielles (éducation, soins, emploi, logement etc).

Le racisme revêt plusieurs fonctions :

  • Le racisme différentialiste vise à exclure un groupe de la société (ségrégation, génocide)
  • Le racisme d’infériorisation cherche à exploiter et inférioriser les groupes minoritaires au profit du groupe dominant (esclavage)
  • Le racisme ethno-centriste se retrouve dans l’injonction assimilationniste, et s’appuie sur une logique différentialiste : c’est ce qu’on retrouve dans l’idée que certaines populations, religions (en France, l’islam) ne seraient pas « compatibles » avec la République car fondamentalement arriérées, différentes…

Existe-t-il un « racisme anti-blanc·h·e·s » ?

Si la notion de « racisme anti-blanc·h·e·s » a d’abord été mobilisée par l’extrême droite, elle n’en est pas l’apanage puisqu’elle est utilisée aussi bien par des intellectuel·les ou des partis ouvertement racistes que par des organisations antiracistes. Cette notion contredit la définition du racisme du point de vue des sciences sociales et contribue, en inversant la relation de domination raciale entre personnes blanches et non-banches, à disqualifier celles et ceux qui contestent l’ordre racial dominé historiquement par les blanc·h·e·s. Selon le sociologue Abdellali Hajjat, « l’usage des notions de racisme antiblanc et de racisme antifrançais aurait un sens sociologique si et seulement si, dans les sociétés occidentales,les positions de pouvoir étaient occupées par les groupes non blancs et les groupes blancs occuperaient les positions les plus subalternes. Or, ce n’est pas le cas. » (Hajjat, 2020, p. 66)


mis à jour le 28 avril 2023

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